Hoxton Analytics : les yeux tournés vers le sol

9 juil. 2018

Il y a quelques années, les technologies telles que la reconnaissance faciale et les vitrines interactives ont suscité un véritable engouement. De nouvelles fonctions de suivi ou de reconnaissance des clients, pour personnaliser leur expérience, étaient censées révolutionner le commerce hors ligne et réduire l’écart avec les e-commerçants. Mais l’arrivée du RGDP (règlement général sur la protection des données) a rendu ce type de technologies plus difficile à justifier.

Hoxton Analytics pense avoir trouvé la solution. Plutôt que de fournir une technologie de suivi des acheteurs basée sur la collecte de leurs données via leurs téléphones portables, l’entreprise offre aux commerçants de petites caméras orientées vers le sol. Leurs prédictions sur la fréquentation des commerces et le genre des clients sont fiables à 95% et 80% respectivement, et l’entreprise affirme que cette manière « non intrusive » de suivre les clients, qui consiste à observer leurs chaussures, est conforme au RGDP et permet aux commerçants d’améliorer significativement le retour sur investissement de leurs points de vente physiques.

Nous avons échangé avec Owen McCormack, co-fondateur et CEO de Hoxton Analytics, sur l’idée à l’origine de cette technologie et sur les solutions qu’il envisage pour aider les commerces physiques à réduire l’écart de connaissances avec leurs concurrents en ligne.

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En mai, les boutiques britanniques avec pignon sur rue ont réalisé leur pire performance depuis 12 ans. Quelle est actuellement la plus grande faiblesse des commerçants hors ligne ?

Malheureusement, ils ne maîtrisent pas du tout l’essentiel. Ces commerçants étaient impatients d’utiliser des technologies telles que la géolocalisation et la reconnaissance faciale avant même de comprendre les bases de la conversion. C’est aussi simple que de connaître le pourcentage de visiteurs qui achètent quelque chose sur place et le nombre de personnes qui franchissent la porte de la boutique, or la plupart des commerçants n’ont même pas accès à ces informations ! Comment gérer une boutique avec succès sans connaître sa fréquentation ? En tant que commerçant, il est difficile d’augmenter son retour sur investissement avec des actions marketing si l’on ne comprend pas les facteurs basiques intermédiaires.

Comment les retailers physiques peuvent-ils combler l’écart de connaissances avec les commerçants en ligne ?

Comme je l’ai indiqué, il faut commencer par les bases. Si nous parlons de e-commerce, alors le nombre de pages consultées et le nombre de visiteurs sur le site précèdent les transactions. Il est possible d’identifier qui n’a rien acheté et d’orienter les actions marketing en conséquence. Donc, oui, les boutiques physiques ont besoin de savoir ce qu’il se passe autour de leur emplacement, par exemple en utilisant des compteurs de personnes ou en analysant le trafic piéton. Ces mesures s’intègrent aux analyses des paniers d’achat pour identifier un parcours client et fournir des données précieuses sur ce qui fonctionne ou pas.

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© Hoxton Analytics

Mais ce type de technologie est certainement beaucoup plus difficile à justifier depuis l’application du RGDP ?

Oui. Le RGDP a rendu des choses comme la géolocalisation beaucoup plus difficile à mettre en œuvre, mais il est toujours possible de le faire de manière non-invasive. Nous offrons des caméras dirigées vers le sol, qui enregistrent le nombre de pas et le nombre de personnes qui passent dans la rue devant une boutique. Il est ensuite possible d’identifier une corrélation entre la météo et le succès commercial, ou de déterminer si l’aménagement de la vitrine fonctionne vraiment et ainsi, d’économiser beaucoup d’argent. Il est aussi possible de connaître les étages les plus populaires d’un magasin, ou de distinguer les clients hommes et femmes, car notre technologie peut détecter le genre d’une personne en fonction du type de chaussures qu’elle porte. Le RGDP signifie qu’il n’est pas possible de collecter passivement des données sans le consentement de quelqu’un, donc des choses comme la reconnaissance faciale et la collecte d’adresses email sont exclues. Mais tout ce que nous faisons, c’est regarder le sol. Une chaussure n’est pas une donnée personnelle.

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© Cubbits

Quels commerces physiques font les choses correctement en ce moment ?

Il y a cet opticien en forte croissance nommé Cubitts, parti de rien il y a deux ans et qui compte aujourd’hui 15 points de vente. Leur équipe senior est très axée sur les chiffres et les données quantitatives. C’est tellement rafraîchissant de les entendre parler, par rapport aux grands du secteur, qui évoluent largement dans le passé. J’admire aussi Burberry car ils essaient toujours de nouvelles choses et ont adopté une approche “test and learn”. Si vous échangez avec des personnes qui travaillent dans le e-commerce, leur mentalité est complètement différente de celle des personnes qui travaillent dans la vente hors ligne, mais ces deux marques sont des exceptions. Ce sont des commerçants du futur, qui pensent de la même façon avant-gardiste que les Amazons de ce monde.

J’ai le sentiment que le succès dépend autant du choix de la bonne mentalité que du déploiement de nombreuses technologies.

Exactement. Le différenciateur clé n’est pas tellement la technologie déployée, mais l’attitude concernant les chiffres et l’optimisation de la croissance. Ce n’est pas comme s’il était possible de sauver un commerce avec pignon sur rue uniquement grâce à la technologie. Il s’agit d’adopter une culture d’“A/B testing”. Lorsqu’on échange avec les anciens commerçants, ils pensent que tout dépend de la connaissance de leur offre et de leur instinct. C’est pour cela qu’ils disparaissent. Il faut créer un environnement qui permette de comprendre chaque étape du parcours client puis ajuster sa stratégie selon ce qui fonctionne ou non.

Par Clémence Gruel